Cameroun : Décès en détention de l’opposant historique Anicet Ekane
publié le : 2 décembre 2025 à 07h55min | MàJ : il y a 1 heure
Rédacteur : La rédaction de Rue241
La scène politique camerounaise est en deuil et sous le choc. Anicet Ekane, président du Manidem et figure majeure de la contestation post-électorale, est décédé dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2025. Détenu au Secrétariat d’État à la Défense (SED) à Yaoundé, l’homme de 74 ans s’est éteint alors que ses avocats réclamaient depuis plusieurs semaines une évacuation sanitaire.
Une fin tragique au cœur du SED
C’est une nouvelle qui risque d’embraser un climat politique déjà délétère à Yaoundé. Anicet Ekane a rendu son dernier souffle dans les geôles du très redouté Secrétariat d’État à la Défense (SED). Selon les premières informations, le décès est survenu dans la nuit de dimanche à lundi. L’opposant souffrait de graves problèmes respiratoires et cardiaques, des pathologies incompatibles avec les conditions de détention rigoureuses de cet établissement.
Son avocat, Maître Emmanuel Simh, a exprimé sa colère et sa consternation. Selon la défense, Anicet Ekane était en « situation de privation de liberté » sans accès aux soins appropriés. Ses conseils avaient formulé des demandes répétées pour qu’il puisse bénéficier d’un suivi médical adapté dans un hôpital de référence de la capitale. Ces requêtes sont restées lettre morte jusqu’au dénouement fatal.
Arrestation préventive et accusations de sédition
Le calvaire d’Anicet Ekane avait débuté le 24 octobre 2025. Les forces de l’ordre l’avaient interpellé à son domicile de Douala, deux jours seulement avant la proclamation officielle des résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre. Cette arrestation intervenait dans un contexte de haute tension, les autorités craignant des troubles à l’ordre public suite à l’annonce des résultats.
Le président du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem) était sous le coup d’accusations lourdes : tentative de soulèvement et incitation à la révolte. Pour Maître Simh, il s’agissait d’un « dossier vide », monté de toutes pièces pour neutraliser une voix dissidente. La défense a toujours dénoncé un « règlement de compte politique » visant à décapiter la contestation.
Un coup dur pour la coalition d’Issa Tchiroma
La mort d’Anicet Ekane affaiblit considérablement le camp de l’opposition. Son parti, le Manidem, était un pilier central de la coalition soutenant la candidature d’Issa Tchiroma Bakary lors du scrutin d’octobre. Ce dernier, qui continue de revendiquer la victoire face au pouvoir en place, vit actuellement en exil en Gambie pour échapper aux arrestations qui ont ciblé son entourage.
Avec la disparition d’Ekane, Tchiroma perd son principal lieutenant sur le terrain et un stratège politique expérimenté. Cette perte pourrait désorganiser la contestation interne qui tentait de s’organiser malgré la répression. Le décès en détention d’une telle figure risque également d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les conditions de détention des prisonniers politiques au Cameroun.
Un demi-siècle de militantisme
Anicet Ekane laisse derrière lui l’image d’un combattant infatigable. Son engagement remontait aux années 1970, époque où il militait au sein de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), le parti historique de l’indépendance. En 1995, il avait fondé le Manidem pour poursuivre son combat pour la démocratie et la souveraineté.
Récemment, il s’était illustré par un nouveau combat social. Ayant survécu à la pandémie de Covid-19, il militait activement pour la protection et l’accompagnement des anciens malades, luttant contre la stigmatisation dont ils étaient victimes. Sa mort marque la fin d’un parcours politique de plus de 50 ans, achevé tragiquement derrière les barreaux.