Congo : la mystérieuse Île du Diable et sa sirène vaudoue Mama Wata

La légende assure que personne n’est jamais parvenu à y accoster. Entourée d’écueils, peu abordable en raison des courants, l’île du Diable est aussi nimbée de mystère. Une mystérieuse divinité occuperait les lieux, racontent les Congolais interrogés par “El Mundo”, qui considèrent cet îlot imprenable avec crainte.

“Personne n’a jamais réussi à fouler son sol et à en sortir vivant”,  commence Alphonse Mavoua. Même l’ancien président du Congo Marien Ngouabi a dû s’y rendre en hélicoptère pour pouvoir la visiter. On raconte que le lieu est hanté et recèle de nombreux mystères. On dit aussi qu’une sirène du nom de Mama Wata (une divinité aquatique du culte vaudou) occupe les lieux.”

Alphonse Mavoua est un ancien militaire. “J’ai commencé à m’intéresser à l’histoire de cette île à 15 ans. Aujourd’hui j’en ai plus de 60. Il s’est donc passé beaucoup de temps”, poursuit-il à l’intention des touristes, tout en arpentant le fleuve Congo de sa silhouette légèrement courbée par les ans. Personne ne connaît mieux que lui ce petit bout de terre situé à huit kilomètres au sud de Brazzaville, la capitale du Congo. Non seulement l’île n’a pas d’accès à la mer mais elle est coincée entre Brazzaville et Kinshasa. Deux capitales qui se regardent en chien de faïence depuis des années.

L’île du Diable se situe entre le fleuve Congo et la rivière Djoué, au Congo

 

Une île inexplorée

Coincée dans l’affluent sud du fleuve Congo, l’île du Diable occupe une superficie d’environ 14 kilomètres carrés. Elle est située dans l’arrondissement de Madibu, à Brazzaville. Pour s’y rendre, il faut parcourir huit kilomètres, depuis le centre de la capitale. Le lieu est quasi inaccessible, pas même en bateau et encore moins en pirogue ou à la nage. Les courants sont très violents et empêchent toute navigation ou baignade. Et l’île est bordée d’écueils. C’est pourquoi les habitants du coin jugent ce lieu mystérieux et même maléfique. Le lit du fleuve y est très profond, avec des cataractes des deux côtés de l’île. Les premiers pêcheurs qui ont essayé d’accoster sur l’île sont morts, emportés par les courants.

Il est difficile de lancer une expédition sur l’île du Diable. À moins que le fleuve ne soit particulièrement paisible, ce qui arrive très rarement. Sur ses côtes de rochers noirs, les vagues se brisent avec force et les violents courants découragent les baigneurs les plus téméraires. Ces rapides ne permettent pas d’y accoster en toute sécurité. En revanche, on peut faire le tour en hélicoptère et constater que le site est des plus inhospitaliers. “Mais pourquoi s’appelle-t-elle l’île du Diable ?”

“On ne retrouve jamais les cadavres. C’est sans doute la sirène qui les emporte. Et pourtant, quand vous observez l’île depuis le ciel, elle offre une vue impressionnante. Et donne envie de la visiter. Mais il faut se contenter de la regarder de loin. L’île regorge d’essences de bois, qui remontent à plusieurs millénaires. Il est possible qu’elle abrite une faune sauvage préhistorique, mais comme personne n’y a jamais posé le pied, on ne peut que se laisser aller à des spéculations”,  explique Alphonse Mavoua, grand connaisseur de l’île. Il poursuit :

“On dit même que Marien Ngouabi, l’ancien président du Congo, s’y est rendu brièvement et qu’il est mort peu de temps après. Ce qui n’a fait qu’alimenter le mystère autour de l’île.”

À une époque, quand le quartier de Mafouta était encore une simple forêt, des animaux, comme des cerfs, sortaient de l’île du Diable et traversaient le fleuve pendant les périodes de crue pour aller s’approvisionner. Et ensuite y revenir. Aujourd’hui, explique Alphonse Mavoua, “ces animaux ne se déplacent plus à cause de la présence humaine”.

Le berceau d’une divinité aquatique

De nombreuses personnes sont convaincues que l’Île du Diable est hantée, ce qui justifierait son manque d’intérêt pour les autorités congolaises. Selon les témoignages, personne n’est jamais revenu de ce lieu infesté de serpents venimeux.

Les serpents occupent une place particulière dans les pratiques spirituelles de l’Afrique occidentale, où ils sont l’objet d’une vénération. La divinité aquatique d’Afrique occidentale Mama Wata, le nom de la sirène de l’île, porte un serpent dans une main. Dans le vaudou haïtien, Mama Wata est également appelée “la Sirène”.

Comme le raconte Alphonse Mavoua, “l’île du Diable accueille également une colonie de milliers de chauves-souris. Au départ, les gens hésitaient à acheter des terrains à Mafouta à cause de la proximité avec l’île.”

“Cette île mystérieuse fascine les habitants depuis des années. Dans les années 1950, un cultivateur de la région a décidé de tout quitter pour s’installer sur l’île. Mais il n’a même pas réussi à traverser les eaux agitées et les courants violents qui entourent cette étendue de terre. On raconte que, quand il était dans sa pirogue, une présence fantomatique se manifestait sur l’île. Et tous les sacrifices d’animaux dans les eaux environnantes n’ont rien pu y faire. Chaque fois qu’il essayait de traverser pour rejoindre l’île, les courants se faisaient plus violents et menaçaient de renverser son embarcation. On dit que ce paysan, dont personne ne connaissait le nom, est mort entraîné par les eaux tourbillonnantes lors d’une énième tentative.”

Depuis, les touristes ne manquent pas pour écouter les histoires sur cette île énigmatique.


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