Haïti : Le paradis des gangs

Les membres des bandes criminelles créent panique et désolation en Haïti. Ces groupes de jeunes violents sont responsables de nombreux crimes, tels que des vols à main armée, des agressions, des enlèvements et même des meurtres. Ils prennent le contrôle de certains lieux stratégiques du pays.

En novembre dernier, la police haïtienne a annoncé avoir repris les commandes du principal terminal pétrolier du pays, tombé, deux mois plus tôt, sous le contrôle de Jimmy Cherizier, plus connu sous le nom de « Barbecu », un ancien policier désormais à la tête d’un collectif de gangs (G-9 an Fami e alye). Le blocage de cette infrastructure avait occasionné une importante perturbation dans la distribution de l’eau alors que le pays était frappé par une vague de choléra.

De nombreuses personnes sont forcées de fuir le pays pour échapper au climat de violence imposé par les gangs qui profitent de la corruption des élites politiques et des membres des forces de sécurité. Les Etats-Unis et le Canada ont annoncé les sanctions à l’encontre de hautes personnalités politiques, notamment le président en exercice du Sénat, Joseph Lambert, et son prédécesseur, Gérard Latortue.

L’histoire des gangs en Haïti est étroitement liée à l’évolution de la situation politique dans le pays, estiment plusieurs experts. Si leur origine est diversifiée, leur prolifération repose sur le besoin des citoyens de se procurer la sécurité face aux limites de l’autorité étatique, note-t-on.

Roberson Édouard, sociologue, enseignant à l’Université Laval au Québec, cité par ayibopost.com, explique que les groupes formés au préalable pour la protection des populations se sont transformés en « une menace pour celles-ci ». Jean Rebel Dorcenat, porte-parole de la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion, cité par le même journal, explique, lui, que des élus politiques contribuent à des « distributions d’armes, pour assurer le contrôle sur leurs bases électorales ».

Pour Athena R. Kolbe, professeure à l’Université de Caroline du Nord, citée également par ayibopost.com, des organisations non gouvernementales (ONG), dans leur collaboration avec des groupes qui assurent le contrôle dans certaines zones, notamment dans la capitale Port-au-Prince, ont contribué au « financement des gangs, principalement à la suite du tremblement de terre qui a secoué le pays en janvier 2010 ».

Alors que de nombreuses manifestations se tiennent depuis quelques années pour appeler au départ de la classe dirigeante en place, le Premier ministre Ariel Henry a appelé, en octobre dernier, les partenaires internationaux à déployer une force armée internationale pour lutter contre les bandes criminelles, une position soutenue par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

Les organisations des droits de l’homme indiquent qu’environ 60% du territoire de la capitale Port-au-Prince et ses environs est passé sous le contrôle des gangs. La situation s’est davantage dégradée après l’assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, par un gang armé dans sa résidence privée à Port-au-Prince.

Entre janvier et juillet 2022, les Nations unies ont signalé pas moins de 934 meurtres commis par ces gangs qui agissent en toute impunité dans le pays. La prolifération de ce phénomène est favorisée par l’incapacité des autorités policières. En effet, certains groupes armés possèdent des équipements plus sophistiqués que les Forces de l’ordre dont la capacité d’intervention demeure limitée. Les gangs se procurent facilement des armes sur le marché noir majoritairement en provenance des Etats-Unis et de la République Dominicaine.

Près de 200 personnes ont perdu la vie en l’espace de deux semaines entre avril et mai 2022 à la suite des affrontements entre gangs à Port-au-Prince, selon Réseau National de Défense des Droits Humains. Cette organisation a révélé qu’entre le 7 et le 17 juillet de la même année, les affrontements entre deux coalitions de gangs, notamment le G-9 an Fami e alye et le G-Pep) ont fait au moins 300 morts.

Les différents groupes armés qui pullulent dans la capitale haïtienne font du kidnapping une de leurs principales sources de financement. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2022, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) a relevé 755 cas de kidnapping dans le pays. Les Nations unies en ont répertorié plus de 600 seulement à Port-au-Prince entre janvier et juillet 2022. Le phénomène touche les segments de la société. Les personnes enlevées sont généralement exposées sur les réseaux en guise de moyen de pression sur les familles concernées.

D’autre part, le viol est utilisé comme une arme par les groupes armés, selon les organisations des droits de l’homme.

À l’aune de 2023, alors qu’Haïti se prépare à vivre une année électorale comme annoncé par le Premier ministre Ariel Henry, les actions des bandes criminelles constituent un sujet qui pourrait davantage s’inviter aux débats.

Le gouvernement haïtien a tenté de lutter contre les gangs en adoptant des lois plus strictes et en créant des unités spéciales de police pour les combattre. Cependant, ces efforts ont souvent été insuffisants et la situation reste préoccupante. Les gangs profitent de la pauvreté et de la détresse de la population pour recruter de nouveaux membres, en particulier parmi les jeunes qui n’ont pas d’autres perspectives d’avenir.

Le véritable moyen de lutter contre les gangs en Haïti est, selon certains observateurs, de s’attaquer à la racine du problème : la pauvreté et la marginalisation de certaines parties de la population. Il faut investir dans l’éducation et la création d’emplois pour offrir aux jeunes une alternative à la vie criminelle. Dès lors, seul un véritable changement social pourra mettre fin au cycle de violence et de criminalité engendré par les gangs en Haïti.


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