Libye : la tension monte alors que le risque de gouvernements parallèles augmente

Face à l’impasse politique qui menace de voir la Libye à nouveau fracturée par deux gouvernements parallèles, la priorité doit être de maintenir les gains durement acquis et de répondre aux aspirations électorales de près de trois millions d’électeurs inscrits, a déclaré mercredi la cheffe des affaires politiques de l’ONU devant le Conseil de sécurité.

« La Libye est désormais confrontée à une nouvelle phase de polarisation politique, qui risque de diviser une fois de plus ses institutions et d’annuler les progrès réalisés au cours des deux dernières années  », a averti Rosemary DiCarlo.

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a également signalé une augmentation des violations des droits de l’homme rapportées, des discours de haine, de la diffamation et des menaces, ainsi que des violences à l’encontre des militants, des journalistes et des acteurs politiques.

Impasse politique

Revenant sur les dernières évolutions, la Secrétaire générale adjointe a rappelé que les élections en Libye prévues pour décembre 2021 ont été reportées, la Commission électorale nationale du pays citant des insuffisances dans la législation électorale et des défis liés à l’éligibilité des candidats.

Aussi en février, la Chambre des représentants du pays, basée dans l’est du pays, a voté et désigné un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement, malgré les objections du Premier ministre reconnu par la communauté internationale, Abdul Hamid Dbeiba, qui a pour sa part refusé de démissionner.

Néanmoins, la Chambre des représentants a procédé à la formation d’un nouveau gouvernement, désignant Fathi Bashagha, ancien ministre de l’Intérieur, comme nouveau Premier ministre.

Le 24 février, le Haut Conseil d’État - basé dans le centre de gouvernement de l’administration internationalement reconnue à Tripoli et né de l’Accord politique libyen de 2015 soutenu par l’ONU - a rejeté la déclaration parlementaire, créant une grave impasse qui fait à nouveau monter les tensions dans le pays.

Est contre Ouest : une proposition de « comité conjoint »

Le 3 mars, les membres du cabinet de M. Bashagha ont prêté serment devant la Chambre des représentants. Si la situation sur le terrain reste relativement calme, des rapports font état d’une rhétorique menaçante, de tensions politiques croissantes et de loyautés divisées entre les groupes armés dans l’ouest de la Libye.

« Notre priorité est de nous concentrer sur la réalisation des aspirations des plus de 2,8 millions de Libyens qui se sont inscrits sur les listes électorales  », a déclaré Mme DiCarlo devant les Quinze.

« Ils devraient pouvoir choisir leurs dirigeants dans le cadre d’élections crédibles, transparentes et ouvertes à tous, conformément à un cadre constitutionnel et juridique convenu », a-t-elle précisé.

Dans ce contexte, la Conseillère spéciale du Secrétaire général, Stephanie Williams, a proposé la formation d’une commission mixte composée de membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, qui aurait pour objectif de parvenir à un accord sur une base constitutionnelle qui conduirait à des élections en 2022.

Mme Williams poursuit également des consultations avec un large éventail d’acteurs libyens politiques, sécuritaires et de la société civile. Elle a également proposé ses bons offices pour servir de médiateur entre Abdul Hamid Dbeibah et Fathi Bashagha.

Défis économiques et droits de l’homme

Mme DiCarlo a également informé le Conseil de sécurité des défis actuels de la Libye en matière de sécurité, d’économie et de violations des droits de l’homme, avertissant que ces dernières ont connu un pic avec la montée des tensions dans le pays.

Sur le plan économique, elle a souligné le manque de contrôle et de clarté des dépenses publiques, notant qu’aucun budget national n’a été approuvé en 2021 et qu’une controverse agitée sur les paiements budgétaires entrave le fonctionnement de la société pétrolière nationale libyenne.

La cheffe de affaires politiques de l’ONU a fait part de l’augmentation des discours de haine, de la diffamation et des menaces, ainsi que de l’incitation à la violence et des actes de violence contre les militants, les journalistes et les acteurs politiques, y compris les femmes.

Des acteurs étatiques et non étatiques arrêtent et détiennent arbitrairement des militants des droits de l’homme. Les migrants et les réfugiés continuent d’être interceptés en mer par les autorités libyennes et transférés dans des centres de détention où ils subiraient de graves violations des droits de l’homme.

Citant des rapports faisant état de torture, de famine, d’extorsion et de décès en détention, Mme DiCarlo a néanmoins indiqué que les Nations Unies ont enregistré une diminution du nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la Libye, entre la fin de l’année 2021 et le 5 mars.


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