La faim s’aggrave en Afrique de l’Ouest et centrale alors que les financements manquent

L’insécurité alimentaire continue de s’aggraver en Afrique de l’Ouest et centrale où le nombre de personnes souffrant de la faim devrait atteindre 49,5 millions en 2024, ont averti mardi des agences onusiennes.

« La faim aiguë reste à des niveaux record dans la région, mais le financement nécessaire pour faire face à la situation ne suit pas. Cela oblige le PAM à réduire l’assistance vitale pour les personnes les plus touchées au moment où elles en ont le plus besoin », a déclaré Margot Vandervelden, Directrice régionale par intérim du Programme alimentaire mondial ( PAM ) pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.

« Un financement insuffisant signifie que les personnes souffrant d’une faim modérée seront contraintes de sauter des repas et de consommer des aliments moins nutritifs, ce qui les exposera au risque de retomber dans des phases de crise ou d’urgence, perpétuant ainsi le cycle de la faim et de la malnutrition », a-t-elle cité en exemple.

Conflits, climat et prix élevés

La faim aiguë en Afrique de l’Ouest et centrale est principalement due aux conflits, qui ont déplacé de force des millions de personnes de leurs maisons et de leurs exploitations agricoles, à l’impact de la crise climatique et aux prix élevés des denrées alimentaires et des carburants.

Selon une analyse régionale de la sécurité alimentaire publiée mardi, la production de céréales et de tubercules dans la région sera légèrement supérieure aux niveaux de l’année dernière et à la moyenne des 5 dernières années en raison de l’amélioration des pluies en 2023.

Les prix des principales denrées alimentaires restent bien supérieurs à la moyenne des cinq dernières années, en particulier le riz, le maïs, le millet, le sorgho, le manioc et l’huile végétale, malgré les baisses saisonnières des prix des produits de base locaux par rapport à l’année dernière.

Les pays côtiers particulièrement affectés

Selon l’analyse du Cadre harmonisé de novembre 2023 de la sécurité alimentaire, malgré les efforts considérables déployés par les gouvernements et les partenaires, la région connaîtra globalement une augmentation de la faim de 4% par rapport à la même période en 2023.

La tendance est particulièrement inquiétante dans les pays côtiers, où le nombre de femmes, d’hommes et d’enfants confrontés à la faim aiguë (phases IPC/CH 3 ou plus) devrait atteindre 6,2 millions pendant la période de soudure juin-août 2024, soit une augmentation de 16% par rapport à l’année dernière.

L’analyse du Cadre harmonisé a également montré qu’environ 94 millions de personnes en Afrique de l’Ouest et centrale sont en situation de « stress » en matière de sécurité alimentaire (phase 2 de l’IPC/CH) entre octobre et décembre 2023. Sans assistance, ces communautés risquent de passer à des niveaux de « crise » et « d’urgence » (phases 3 et 4 de l’IPC/CH) dans les jours à venir.

Emaciation des enfants

La situation nutritionnelle reste préoccupante, en particulier au Sahel, où les niveaux d’urgence d’émaciation des enfants ont été atteints et dépassés dans plusieurs pays cette année, notamment dans certaines régions du Mali, du nord-ouest du Nigéria et du Burkina Faso.

Cette situation est due à la fragilité des systèmes alimentaires, qui ne répondent pas aux besoins nutritionnels spécifiques des femmes et des enfants, à l’accès limité aux services sociaux de base et aux mauvaises pratiques en matière de soins et d’hygiène.

En Afrique de l’Ouest et centrale, plus de deux ménages sur trois n’ont pas les moyens de s’offrir une alimentation saine. Et 8 enfants sur 10 âgés de 6 à 23 mois ne consomment pas le nombre minimum de groupes d’aliments dont ils ont besoin pour une croissance et un développement optimal.

Depuis le début de cette année jusqu’à fin octobre 2023, 1,9 million d’enfants de moins de cinq ans ont été admis pour le traitement de l’émaciation sévère dans neuf pays du Sahel, ce qui représente une augmentation de 20% par rapport à la même période en 2022.

« Les enfants d’Afrique de l’Ouest et centrale ont droit à une alimentation nutritive, sûre, abordable et durable  », a déclaré la Directrice régionale de l’ UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, Félicité Tchibindat.

« Nous investissons pour prévenir la malnutrition infantile, mais nous avons également besoin de fonds pour continuer à soutenir les services gouvernementaux de détection précoce, de traitement et de soins des enfants malnutris afin de les aider à survivre, à se rétablir et à mener une vie saine et productive dans la dignité », a-t-elle ajouté.

Le coût d’un régime alimentaire nutritif quotidien dans le Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger) est de 110% plus élevé que le salaire minimum journalier dans la région, et de plus en plus de ménages dépendent des marchés locaux pour se nourrir, même dans les zones rurales, selon le rapport 2023 sur la sécurité alimentaire et la nutrition. À titre de comparaison, le coût d’une alimentation saine en Afrique est aussi élevé que celui des États-Unis, alors que le PIB américain est plus de 35 fois supérieur à celui de l’Afrique.

Agir d’urgence pour sauver des millions de vies

Face à la spirale de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, le PAM, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO ) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) appellent les gouvernements nationaux et les partenaires financiers à :

  • donner la priorité aux programmes qui renforcent les systèmes alimentaires et les moyens de subsistance résistants au climat ;
  • investir dans les systèmes de protection sociale ;
  • améliorer la gestion des ressources naturelles, notamment l’eau, en tant qu’accélérateur de la résilience et du développement.

En outre, les participants à l’exercice du Cadre harmonisé d’analyse de la sécurité alimentaire ont recommandé l’élaboration et la mise en œuvre rapide des programmes d’urgence qui répondent aux besoins alimentaires et nutritionnels immédiats des populations en situation de crise et d’urgence en matière d’insécurité alimentaire et de malnutrition (phases 3 à 5 de l’IPC/CH).

Ces mesures permettront non seulement de sauver des vies, mais aussi de prévenir le risque de malnutrition chez les enfants dans les régions les plus touchées par l’insécurité et les crises économiques, notamment au Burkina Faso, au Tchad, en République démocratique du Congo, au Mali, au Nigéria et au Niger.

« Face à la persistance de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, nous devons agir d’urgence pour sauver des millions de vies en plaidant pour l’accélération de la mobilisation des ressources afin de financer les plans de réponse nationaux et de faciliter l’accès aux zones confrontées à l’insécurité ou difficiles d’accès, notamment au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria  », a déclaré le Coordonnateur sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Dr. Robert Guei.

Selon la responsable du PAM, Margot Vandervelden, il faut « briser ce cercle en nous attaquant aux causes profondes de la faim et en renforçant la résilience des familles en Afrique de l’Ouest et centrale ».


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