Lettre ouverte de Patrichi Tanasa après sa condamnation par la justice gabonaise

Rue241 vous livre l’intégralité de la lettre à nation adressée par l’ancien administrateur directeur général de la Gabon Oil Company Christian Patrichi Tanasa Mbadinga après sa condamnation pour « détournements de fonds ».

«   Il a été maltraité et opprimé, et il n’a point ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, à une brebis muette, devant ceux qui la tondent ; il n’a point ouvert la bouche    ». Nous indiquent les écritures, en Esaïe 53 verset 7. Je suis un fils du pays, natif de Ndendé, ayant fait mes premiers pas dans les quartiers populaires de Libreville et de Port-Gentil, où la solidarité est un véritable ciment social. Ce ciment qui a influencé toute ma vie.

L’honnêteté, la franchise, l’effort, le goût du travail, l’engagement, le respect des aînés, la loyauté, l’Amour pour mon prochain et l’attachement à mon pays le Gabon sont des valeurs qui m’ont toujours animées.

Ce procès ne peut se terminer sans qu’un certain nombre de choses soient dites et entendues de tous.

Tout d’abord, je précise que durant les 18 mois que j’ai passé à la tête du groupe GOC/GOM, j’ai géré les différentes entités sous ma responsabilité. Conformément aux statuts de ces dernières, aux lois en vigueur dans notre pays et au respect des standards internationaux.

Lors de ma prise de fonction en mai 2018, toutes les entités du groupe étaient dans le rouge :

  • 6 Milliards (moins six milliards) FCFA pour la GOC
  • 13 Milliards (moins treize milliards) FCFA pour la GOM
  •  Une assistance sous perfusion des trois filiales de la GOM
  • Une dette fiscale et douanière de plus de 40 Milliards FCFA
  • Des dettes fournisseurs de plus de 50 Milliards FCFA
  • Un investissement de plus de 80 Milliards FCFA sur les choix stratégiques antérieurs menaçaient la viabilité et la survie du groupe.

Ces faits sont objectifs et vérifiables et même vérifiés comme nous l’avons démontré. Cet état m’a encouragé et incité à lancer un audit financier de tout le groupe – audit réalisé par le commissaire aux comptes de Deloitte, sur la période 2016-2018, dont les conclusions m’ont été présentées en janvier 2019, qui concluait à plus de 40 milliards de FCFA, d’opérations non identifiées et sans aucune pièce comptable, l’attestation de perception de fonds, et plusieurs dons de plus d’un milliard FCFA à de personnes physiques.

Ma gestion passée à la tête de la Gabon Oil n’a jamais fait l’objet de critiques de la part de ceux qui la contrôlent à savoir le conseil d’administration et le commissariat aux comptes.

Au moment de mon départ en 2019 la situation des entreprises sous ma responsabilité s’était nettement améliorée. Tant du point de vue de la trésorerie, que des résultats, de la maitrise technique, des schémas logistiques, du ciment social, et de la confiance avec nos partenaires techniques, finances et institutionnels.

J’ai d’ailleurs laissé en partant, un résultat prévisionnel 2019 pour la GOC, de près de 68 milliards FCFA, acté lors du conseil d’administration de passation de charges. Résultat arrêté à 61 milliards FCFA lors du conseil d’administration de passation du 20 décembre 2020, et approuvé par le commissariat aux comptes. Soit un résultat net après impôts de 44 milliards FCFA. Une progression de plus de 50 Milliards FCFA entre mon arrivée, et mon départ. En 2017 et 2018, nous réalisions de 10 à 20 milliards FCFA, en 2019, nous réalisons un de près 210 Milliards FCFA. Soit une progression de 200 milliards FCFA.

Ce changement de modèle économique et de paradigme, a ainsi inscrit durablement la GOC sur la voie de la « prospérité » et du développement.

Ce business model et ses faits visibles, devraient permettre à la GOC de réaliser des résultats de plus de 100 Milliards FCFA, dans les années à venir. Et je rappelle que les résultats positifs enregistrés depuis 2018 à ce jour, sont le fait exclusif des contrats que nous avons signés, entre 2018 et 2019, et des actions menées sur la même période.

Concernant GOM, avec un besoin en fonds de roulement initial de 100 millions de dollars, soit 65 millions FCFA, une dette fiscale et douanière de plus de 30 Milliards FCFA, une dette fournisseur de 80 Milliards FCFA, la situation était plus délicate.

L’acte de décès de la GOM a été signé en fin 2017, avec la décision du lancement du projet de construction d’un dépôt d’hydrocarbures, de plus de 80 Milliards FCFA, confié à GSEZ, filiale d’OLAM, à l’initiative de Monsieur Nourredin BONGO ONDIMBA.

Le choix d’un tel investissement à cette hauteur et en fonds propres, alors que l’entreprise était déjà en grande difficulté financière, est une hérésie.

Je pense aujourd’hui à ces familles, à ces pères et à ces mères de famille qui ont perdus leurs emplois. Et qui n’ont perçu aucun droit suite à leur licenciement, et qui ont même reçu en retour des menaces, contre toute action en justice. Et à qui on a fait croire que ce sont des prétendus détournements qui font l’objet de ce simulacre de procès qui en seraient la cause.

Je me tiendrai à leur coté pour que justice soit faite, et ce d’autant plus, qu’en quittant mes fonctions à la tête de la GOC/GOM/SOGARA, les comptes étaient créditeurs de plus de 120 Milliards FCFA, dont plus de 50 Milliards FCFA sur les comptes de la GOM (comme l’attestent les relevés bancaires transmis à la DGR en début d’instruction). Quelles destinations ont prises ces ressources, je vous laisse seuls juges. Mais l’avenir nous le dira !

L’étude de diagnostic diligentée et commanditée pour m’accuser n’a pas pu atteindre son but, celui de me discréditer.

Alors que nous sommes dans une procédure en « détournement de fonds publics », l’instruction nous brandit un rapport de diagnostic des risques et non un rapport d’audit financier, seul capable de se prononcer sur des questions de détournements, comme Ernst & Young le confirme lui-même. 

Bien que Ernst & Young s’autorise à porter des jugements de valeur, bien au delà de sa mission, sur des actes de ma gestion, il ne conclut pas à des détournements, malgré son caractère tendancieux.

Madame le juge d’instruction a pris de nombreux raccourcis, en faisant dire au rapport ce qu’il ne dit pas, distillant ainsi à travers son ordonnance le doute dans l’esprit des jurés. Et voici ce que l’expert de l’Etat, Grant Thorton précise « nous notons que dans son rapport E&Y parle d’opérations à risque et que dans l’ordonnance sus-évoquée le juge parle pour sa part de ‘’ sorties non justifiées’’ de fonds constituant des détournements de fonds publics ». Chacun comprendra alors que mon accusation, n’est que le fait de l’imagination fertile de ceux qui m’accusent.

Je voudrais ajouter que j’ai été à la Cour après près de 3 ans, au cours desquels j’ai tout vécu ; la calomnie dans la presse officielle qui titrait, pour faire sensation, et de manière diffamatoire et mensongère, qu’il manquait 85 Milliards FCFA dans les caisses de la GOC ;

Au cours des deux années passées, j’ai été gardé à vue dans des conditions dégradantes, incarcéré et mis à l’isolement dans les pires cellules disciplinaires ; et pour couronner le tout, j’ai été violemment agressé et torturé à l’intérieur même de ma cellule, par des lâches cagoulés, qui disait qu’il valait mieux négocier avec l’Etat. Après m’avoir ligoté, pris tout nu en photos, et m’avoir menacé de tuer mes enfants et violer ma compagne.

Tout ce que je viens de vous exprimer est objectif et facilement vérifiable. Et ce d’autant plus que trois autres de mes co-detenus ont subis le même sort : Monsieur Justin NDOUNDANGOYE, Monsieur Tony ONDO MBA et Monsieur Hermann NZONDOU. 

La question demeure Pourquoi ? Pourquoi tant d’acharnement, de violence et de violations ? Pourquoi alors que je suis innocent et que les commanditaires le savent. Si nous foulons au pied ce qui fait de nous une nation, que nous reste-t-il ?

Souhaitons nous vraiment que l’injustice, le cynisme et le mensonge s’érigent en piliers d’Etat dans notre pays ?

Durant cette procédure, nous n’avons pas seulement violé le code de procédure pénale, nous avons profané notre loi fondamentale, en reniant les principes contenus dans le préambule de notre constitution, sur l’attachement aux droits de l’Homme et des citoyens.

 Nous avons subis toutes ces injustices, sous le regard complice et complaisant de la justice, et de tous ceux qui ont la responsabilité de l’équilibre moral de notre société. Dante ne disait-il pas que les endroits les plus chauds de l’enfer sont réservés pour ceux qui seront demeurés neutres, pendant les grandes crises morales ?

La Cour criminelle spéciale, cette illustre cour avait le pouvoir de réparer devant l’Histoire de notre pays ces injustices et le devoir vis à vis de la postérité de léguer un héritage noble. L’histoire se souviendra de chacun de nous. Et l’éternel rétribuera chacun selon ses œuvres.

Sommes nous dans un pays dans lequel, on condamne le bien et promeut le mal ? L’issue de ce procès a répondu à cette cruciale question, et cette réponse résonnera à travers les générations. Je tiens toutefois à partager ici la surprise qui a été la mienne et celle de mes co-détenus « scorpions » d’avoir entendu marteler sans cesse, par l’ancien patron de la DGSS, devenu Cochef de la Garde Républicaine, et ses sbires, que nous étions des prisonniers politiques, et que nous n’étions pas en prison pour des questions d’argent, mais pour une prétendue « tentative de coup d’Etat ».

Ce qui explique que nous ayons été séparés des prisonniers de droit commun et gardés depuis près de 3 ans à l’isolement dans des cages cadencées. Ou peut-être souffrons nous de la lèpre !

Dans la journée du mercredi 27 juillet 2022, Monsieur Ike NGOUONI et moi-même avons été sommés de préparer nos affaires pour être conduits aux quartiers spéciaux dits des fonctionnaires !

À 12h, nous nous retrouvions en Chine, quartier qui regorge la population carcérale la plus importante. Plus de 800 prévenus et détenus, sur une superficie de moins de 200 mètres carrés. Prévenus qui pour la plupart, y sont depuis plusieurs années et parfois plus de 10 ans sans jamais avoir été jugés. Un douche et un toilette pour cette population carcérale, dans laquelle nous retrouvons la crème de la prison, n’est qu’une des conséquences du respect des droits de l’Homme qui sont tant vantés.

 Cette expérience, bien que malheureuse, nous permet de toucher du doigt la réalité de nos prisons au Gabon et l’inconsistance du Ministère de la justice, quant à la considération de la vie humaine. 

Nous pensions qu’au cours de ces années que toutes les limites de l’absurde et de la désocialisation avaient été franchies mais grande est notre surprise de savoir qu’ils sont encore capables de nous surprendre.

Comme si nous n’avons pas déjà suffisamment ridiculisé notre pays et mis nos institutions et nos hauts magistrats dans l’embarras avec des méthodes d’un autre temps qui n’honorent ni ses auteurs ni les autorités carcérales.

Il n’existe plus aucun doute pour les gabonais et le monde entier sur l’instrumentalisation de tous les leviers de l’Etat pour anéantir les insignifiantes personnes que nous sommes.

Je souhaite à leurs instigateurs que le gain en vaille vraiment la chandelle, pour s’obstiner à la crucifixion de notre justice et d’un idéal de société. Que veut dire aujourd’hui être un homme de loi ? La question est posée à chaque magistrat et il en va de l’avenir, l’honneur et la crédibilité de toute une profession qui est censée incarner la volonté du peuple.

La logique qui, semble t-il a conduit les autorités carcérales à m’envoyer en chine est qu’ayant déjà été condamné, nous devons être en droit commun. Cela peut rester logique jusqu’à ce qu’on examine la situation dans sa globalité. En effet, Messieurs LACCRUCHE ALIHANGA Brice, NDOUNDANGOYE Justin et Kelly ONDO ont eu des condamnations sans qu’ils ne sortent de l’isolement en Annexe !

 Nous sommes des cadres et avons exercés des fonctions importantes dans ce pays. Si cette procédure est judiciaire, qu’est ce qui peut justifier que nous n’ayons pas droit au quartier de la prison réservés aux fonctionnaires ?

Je veux ici rappeler que je suis innocent et partager avec vous une sagesse africaine qui dit que « Pendant que la machette use la lime, la lime use la machette ».

J’aimerais terminer comme j’ai commencé par les saintes écritures en habakuk 2, verset 15 à 16, la parole de Dieu nous dit : « Malheur à celui qui fait boire son prochain, à toi qui verse ton outre et qui l’enivre, afin de voir sa nudité. Tu seras rassasié de honte plus que de gloire, bois aussi toi même et découvre-toi ! La coupe de la droite de l’éternel, se tournera vers toi et l’ignominie souillera ta gloire ».


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Depuis le coup d'Etat 30 août 2023