Révision constitutionnelle au Gabon : Un cautère sur une jambe de bois

La révision de la Constitution au Gabon vient d’être approuvée. Elle nous permet de nous interroger sur la portée des dernières révisions intervenues dans cet État voisin, qui sont plus opportunistes que nécessaires. Elles sont d’ailleurs vectrices d’insécurité juridique.

Ce qui n’est pas sans interroger le patriotisme de ses auteurs. À mon humble avis, c’est le cœur transi de peur et les mains tremblantes qu’il faut toucher à une Constitution sous peine d’en faire du clinex incapable d’essuyer d’éventuelles crises institutionnelles et politiques.

1. La nouvelle révision est tout autant problématique que celle de 2020 qui instaura un triumvirat en cas de vacance à la présidence de la République, exercé par trois personnalités : le Ministre de la Défense et les Présidents des deux chambres du Parlement. Une telle situation conduirait à un imbroglio en cas de mise en branle de la vacance. Le viel adage africain suivant lequel « il ne saurait y avoir deux caïmans dans un même marigot » est dans ce contexte d’une résonnance particulière. L’expérience béninoise du triumvirat n’a point parlé au constituant gabonais. N’a t’il pas par cette réforme créé intentionnellement une situation d’insécurité juridique favorable à un guet-apens politique.

2. La nouvelle révision (inspirée sans doute de celle intervenue récemment au Bénin) harmonise tous les mandats politiques à (05) an s, ce qui dicte un ajustement du calendrier électoral. Cette mesure instituée en France dans les années 2000 vise à éviter les situations de cohabitation, qui seraient à mon avis plutôt souhaitables sur notre continent, afin de vitaliser la démocratie. Cette harmonisation conduirait au majoritarisme et à ce qu’un constitutionnaliste burkinabè décrit comme le « phénomène d’alignement des pouvoirs ».

3. Il ne faut point davantage se laisser abuser par la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans . Puisqu’il reste éligible ad vitam aeternam. L’ article 9 issu de la révision de 2003 : prévoyait en effet : « Le président de la République est élu pour un mandat de 07 ans au suffrage universel direct. Il est rééligible ». Qu’il soit désormais élu pour 05 ans plutôt que 07, l’on reste dans l’illimitation des mandats et le reflux du constitutionnalisme.

4. La suppression du second tour de l’élection présidentielle est finalement le grand enjeu de la révision , en ce qu’elle permettra de réaliser des économies de moyens. 

À tout prendre, les récentes révisions constitutionnelles intervenues au Gabon ont l’effet d’un cautère sur une jambe de bois.

Pr. E. Ngango Youmbi.


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