La Somalie est au bord d’une catastrophe humanitaire, alerte l’ONU
publié le : 13 avril 2022 à 06h36min | MàJ : 13 avril 2022 à 06h35min
Rédacteur : Gabon Matin
La Somalie pourrait subir une famine à la mi-2022 si les prochaines pluies saisonnières, d’avril à juin, sont insuffisantes, si le pouvoir d’achat des ménages chute à des niveaux record et si l’aide n’atteint pas les zones les plus préoccupantes, ont alerté mardi les Nations Unies, relevant que ce pays de la Corne de l’Afrique est au bord d’une « catastrophe humanitaire ».
Selon l’ONU, les dernières données montrent à quel point la situation s’aggrave rapidement. Près de six millions de personnes risquent de souffrir d’une insécurité alimentaire aiguë dans les mois à venir, soit près du double de ce qu’elles étaient au début de l’année.
« La situation en Somalie se détériore depuis des mois en raison de l’extrême sécheresse qui perdure, amenant le pays au bord de la catastrophe humanitaire », a déclaré depuis Mogadiscio, Lara Fossi, Directrice adjointe du Programme alimentaire mondial ( PAM ) en Somalie, lors d’un point de presse de l’ONU à Genève.
40% de la population confrontée à des niveaux extrêmes d’insécurité alimentaire
L’insuffisance des financements actuels, des prévisions pluviométriques peu encourageantes et la hausse des prix des denrées alimentaires à l’échelle mondiale risquent de laisser près de 40% des Somaliens au bord du gouffre. « Le risque de famine est réel dans certaines régions en cas de nouvel échec de la saison des pluies », a ajouté Mme Fossi.
Avec des perspectives de précipitations inférieures à la moyenne, un financement inadéquat, des chaînes d’approvisionnement perturbées au niveau mondial et une flambée des prix des produits de base due au conflit en Ukraine, la Somalie est confrontée à une tempête parfaite qui pourrait très rapidement conduire à la famine. A ce sujet, un nouveau rapport sur la classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) révèle que six millions de Somaliens, soit près de 40% de la population, sont désormais confrontés à des niveaux extrêmes d’insécurité alimentaire.
Des poches de famine sont probables dans six régions du pays. Dans ce contexte, les agences des Nations Unies se sont inquiétées de l’aggravation de la sécheresse et de la possibilité d’une famine dans les trois mois à venir.
Les enfants de moins de cinq ans sont parmi les plus vulnérables alors que la sécheresse s’aggrave et que l’accès à la nourriture et au lait est très rare en raison de la hausse des prix des produits de base et des pertes de bétail. Environ 1,4 million d’enfants sont confrontés à la malnutrition aiguë jusqu’à la fin de cette année, dont un quart environ, soit 330.000 enfants, à la malnutrition aiguë sévère.
Le plan de réponse humanitaire de 1,5 milliard de dollars financé à hauteur de 4,4%
Plus largement, la sécheresse, combinée aux prix record des aliments et des carburants et à la baisse du pouvoir d’achat, crée une situation absolument catastrophique pour des millions de personnes.
« La vie des enfants est en danger. Si le déficit de financement n’est pas comblé, les taux de malnutrition continueront à grimper en flèche, et les enfants risquent d’être confrontés à la malnutrition sévère et à des maladies évitables. Perdre des enfants à cause de la famine serait une perte pour l’humanité », a affirmé pour sa part dans un communiqué Angela Kearney, Représentante de l’ UNICEF en Somalie.
Or le plan de réponse humanitaire 2022 de près 1,5 milliard de dollars n’est financé qu’à hauteur de 4,4%. « Le financement dont nous avons besoin pour répondre à une crise de cette ampleur n’est tout simplement pas arrivé. Nous regardons tous cette tragédie se dérouler et nous avons les mains liées », a fait valoir Etienne Peterschmitt, le Représentant de la FAO en Somalie.
Sur le terrain, l’écart entre l’insécurité alimentaire et les ressources disponibles se creuse. Dans ces conditions, le danger consister à « hiérarchiser les besoins humanitaires ». « La triste réalité est que nous devons hiérarchiser l’aide - nous prenons à ceux qui ont faim pour nourrir ceux qui sont affamés », a insisté Mme Fossi.
Les conditions pour déclarer une famine dans une région
Sur le terrain, la menace de famine peut contraindre les gens à adopter des stratégies d’adaptation négatives, comme la vente de bétail et d’autres biens, qui compromettront leur résilience à long terme. De plus, il existe des dizaines de camps de personnes déplacées internes comme celui d’Iftin à Baardheere, qui ont connu une croissance exponentielle au cours des derniers mois.
Des milliers de ménages ont afflué des zones les plus durement touchées par la sécheresse, cherchant désespérément de l’aide. « Lorsque vous visitez certains de ces camps, vous pouvez encore voir des files de nouveaux arrivants dans la poussière et la chaleur. Beaucoup de ces personnes sont des femmes et des enfants, et il est impossible de les voir sans être choqué par les signes visibles de malnutrition potentiellement mortelle », a détaillé la responsable du PAM.
Selon une analyse récente menée par l’Unité d’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition (FSNAU) de la FAO, trois facteurs contribueront à ce que la famine s’installe dans le pays au cours des trois prochains mois : l’échec de la saison des pluies d’avril à juin 2022, l’absence d’une aide humanitaire adéquate et une tendance continue à la hausse des prix des denrées alimentaires. Mais pour que la famine soit déclarée dans une région, il faut qu’au moins 20% de la population soit en situation de catastrophe (phase 5 de l’IPC).
La famine de 2011 avait tué plus de 250.000 personnes en Somalie
L’ONU et ses partenaires ont identifié des points chauds potentiels de famine dans six régions différentes où 5 à 10% de la population, soit plus de 80.000 personnes, sont déjà confrontés à des conditions de famine. Dans ce scénario, les zones touchées sont confrontées à des pénuries alimentaires extrêmes, à une forte malnutrition et à une surmortalité due à la famine.
D’une manière générale, la situation humanitaire était déjà grave en raison de décennies de conflit, de chocs climatiques récurrents et d’épidémies, notamment les effets de la pandémie de Covid-19. Avant même la sécheresse actuelle, l’ONU estime que 7,7 millions de Somaliens avaient besoin d’aide humanitaire cette année, soit 30% de plus qu’il y a un an.
Avec « des millions de vies en jeu », l’ONU implore le monde de ne pas tourner le dos à la Somalie ou d’attendre qu’il soit trop tard. « Il faut sauver plus de vies et sauver plus de moyens de subsistance pour le peuple de Somalie », a déclaré Adam Abdelmoula, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Résident et Coordinateur humanitaire. La dernière fois qu’une telle tragédie humanitaire a frappé la Somalie, c’était en 2011, lorsque la famine a tué un quart de million de personnes.