Quand la crise France-Mali questionne les opérations militaires de la France
publié le : 20 février 2022 à 17h03min | MàJ : 20 février 2022 à 17h05min
Rédacteur : La rédaction de Rue241
La décision de la France de mettre fin à l’Opération Barkhane et à la task-force Takuba au Mali a remis au goût du jour les opérations qu’elle mène au Mali depuis 9 ans et ses bases militaires dans la région. Suite à la crise diplomatique et politique vécue entre Bamako et Paris depuis un certain temps, le président français Emmanuel Macron a annoncé le retrait progressif des troupes de l’opération Barkhane et de la task-force Takuba, déployées au Mali.
Les rumeurs de l’arrivée des mercenaires Wagner dans le nord du Mali et la décision des autorités de Bamako, auteures de deux coups d’État en 9 mois, de se maintenir au pouvoir pendant cinq ans ont fait souffler des vents froids entre le pays du Sahel et la France. Le ton dur de la France au sujet des mercenaires de Wagner et de la décision des dirigeants maliens ont enclenché une crise diplomatique entre les deux pays.
La France a qualifié les militaires en place au Mali d’« illégitimes ». En guise de réaction, les autorités du Mali ont exigé le départ de Joel Meyer, Ambassadeur de France à Bamako. Cette crise entre les deux pays a également soulevé des questions sur le sort de l’opération militaire française Barkhane et de la Task Force Takuba. La task-force Takuba, mise sur pied pour soutenir l’opération Barkhane, a également décidé de quitter la région en raison de la tension avec Bamako.
Selon certaines prévisions, il faudra 6 à 8 mois à Barkhane et Takuba pour se retirer totalement du Mali. Le renversement de Mouammar Kadhafi en Libye en 2011, suivi par la fuite d’armes de la Libye à des groupes rebelles au Sahel sont à l’origine de l’impasse vécue dans la région aujourd’hui.
Après avoir combattu en Libye, les séparatistes Touareg, descendus dans la région de l’Azawad, dans le nord du Mali, ont déclenché une rébellion en 2012. L’absence de l’autorité étatique après le coup d’État militaire de l’époque a poussé Bamako à demander l’aide de la France.
En 2013, la junte au pouvoir à cette période a demandé le soutien de la France dans la lutte contre le terrorisme. Paris a lancé l’opération Serval qui tire son nom d’une race spéciale de chats vivant en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Serval a été remplacé par l’opération Barkhane.
L’aventure de neuf ans de Barkhane, qui signifie dunes de sable formées par le vent dans le désert, a officiellement commencé en 2014. Au total, 5 500 soldats ont été déployés au Mali, ainsi qu’au Niger et au Tchad. Barkhane, soutenue par les pays de la région Mauritanie et Burkina Faso, est devenue la plus longue opération militaire menée par la France hors de son territoire depuis la fin de la guerre d’Algérie.
Selon les informations mises à jour par le Ministère français de la Défense en décembre 2021, Barkhane dispose d’une base dans trois régions du nord du Mali. La plus importante de ces bases est située à Gao et comprend des « troupes tactiques du désert », des véhicules blindés, ainsi qu’une partie importante de la présence militaire française au Mali.
Les deux autres bases d’opérations de Barkhane au Mali opèrent également dans les régions de Ménaka et de Gossi, qui s’étendent dans le désert. Ces deux bases comprennent également la task-force Takuba, créée en 2020 à l’initiative de la France en soutien aux forces Barkhane.
La task-force tire son nom de l’épée Takuba utilisée par la communauté Touareg vivant au Sahel. Elle compte environ 800 soldats venus de Belgique, de Tchéquie, d’Estonie, de France, d’Italie, de Hongrie, des Pays-Bas, du Portugal et de Suède. Les Français composent la moitié des soldats de Takuba bien que connue comme une force opérationnelle européenne. Le Premier ministre du Mali, Choguel Maïga, a déclaré que Takuba n’avait pas reçu ce nom pour rien, ajoutant que « Takuba était venu diviser le Mali ».
Deux bases militaires permanentes au Sahel : N’Djamena et Niamey
La France s’est retirée de ses bases de Kidal en octobre, de Tessalit en novembre et de Tombouctou en décembre de l’année dernière, au milieu d’allégations selon lesquelles Wagner serait déployé dans le nord du Mali. Début janvier, des informations sur une potentielle présence de Wagner à Tombouctou ont largement circulé.
La France a annoncé qu’elle se retire du Mali mais restera au Sahel. Les regards sont tournés vers d’autres bases militaires de la France dans la région. La France dispose de deux bases militaires permanentes à Niamey, la capitale du Niger, et à N’Djamena, la capitale du Tchad.
La base aérienne principale de l’opération Barkhane est située à Niamey et le centre de commandement de Barkhane est situé à N’Djamena. La task-force Takuba, qui va se retirer du Mali tout comme Barkhane, sera également déployée à la frontière du Niger avec le Mali.
Bases françaises en Afrique de l’Ouest
En dehors du Sahel, la France dispose de bases militaires permanentes en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon en Afrique de l’Ouest. Il y a 950 soldats français stationnés sur la base militaire française d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, 350 au camp De Gaulle près de l’aéroport de Libreville au Gabon et 350 dans la capitale sénégalaise Dakar.
Il y a également environ 400 soldats temporairement dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, dans le cadre de l’opération Sabre. L’opération, qui tire son nom du mot Sabre, qui signifie épée de cavalerie en français, mène des opérations contre les dirigeants d’organisations terroristes dans la région depuis 2009.
La nouvelle cible peut être le golfe de Guinée
Ces dernières années, des groupes affiliés à al-Qaïda et à l’Etat islamique, ainsi qu’au Sahel, se seraient déplacés vers la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo, situés dans le golfe de Guinée. Récemment, après une attaque contre un parc national au Bénin qui a fait 9 morts, dont 1 Français, la France a neutralisé 40 terroristes au Burkina Faso responsables de l’attaque.
La France rappelle à chaque occasion sa volonté de soutenir la lutte contre le terrorisme dans ces pays, dont trois sont côtiers. Certains experts pensent que la France pourrait également lancer des opérations militaires dans cette région dans la période à venir pour lutter contre les groupes terroristes qui progressent du Sahel vers le golfe de Guinée.